lundi 7 janvier 2013

Mylène Farmer - Sans Contrefaçon

Puisque la mode est de redonner aux tubes français des années 80 un semblant de lettres de noblesses, j'aimerais parler de Sans Contrefaçon par Mylène Farmer, chanteuse dont Booba dit qu'il a "la trique devant ses clips" sur le morceau Foetus. Pour ma part, j'ai grandi en détestant les clips et la musique de Mylène Farmer.

Déjà étant enfant, mon instinct rejetait naturellement ces sons, cette variété que mes oreilles jugeaient boueuse, vague, indéfinie. Puis durant mon adolescence, j'ai fait un complexe de supériorité stupide par rapport aux années 1980, à la fin desquelles je suis né. Je mets directement en cause les médias pour m'avoir fait penser qu'il fallait classer ses goûts musicaux en fonction des genres ou des époques. Je les mets aussi en cause pour avoir souvent dénigré la production musicale française de cette époque. On est un con, mais on dit de cette période qu'elle fut celle pendant laquelle l'industrie de masse passait la cinquième et où la musique devenait enfin ce qu'on avait toujours voulu qu'elle soit: un karaoké géant. Plus facile de berner les amateurs de musique - devenus des consommateurs - avec de la vieille soupe tiédasse grâce au Compact Disc et au synthétiseur numérique. On dit de ce son ultra-compressé qu'il sonne si mal car les ingénieurs du son étaient tous sous cocaïne. On dit que le mauvais goût régnait seul, dictant avec tyrannie ses textes à chier et ses chansons merdiques.

On dit aussi que le hip-hop est réellement né ces années-là. On dit également que certains tiraient leur épingle du jeu. Bashung, pour certains Taxi Girl, peut-être Daho, sûrement pas Téléphone. Indochine, les premiers trucs, ça passe ouai. Wikipedia parle de Trust, Hubert-Félix Thiéphaine, Charlélie Couture, Renaud, Francis Cabrel (?). Wikipédia a besoin d'argent il paraît...il paraît qu'il n'y avait pas grand chose de fort en France dans les années 80. On dit plein plein de trucs. En ce qui concerne la musique française, on parle rarement des chansons, ce qu'elles sont essentiellement, ce qu'elles contiennent. Je parle ici uniquement de ce qui se faisait en France car bien sûr, inutile de préciser que pour les critiques musicaux d'ici, tout ce qui a été fait là-bas est génial en permanence, et tout le monde est beau et fort et des gros bisous partout.

Je n'y crois plus et je pense qu'il faut lutter contre cette forme de naïveté. Il y avait probablement plus de grandes chansons en France dans les années 1980 que ce qu'on nous fait croire. Débarrassé d'une grande partie de mes a priori, j'écoute maintenant Sans Contrefaçon avec beaucoup de plaisir. Bien sûr, il y a ces choix de production douteux caractéristiques des "eighties", passés de mode dans les années 90 et revenus à la charge dans les 00's. Doubler la mélodie du refrain avec le son "conga" d'un synthé yamahaa, mouais. Ces cocottes à la guitare électrique chargées de chorus, les Cure et New Order le faisaient bien mais là...Et surtout, cette voix de fillette qui dit au début "Hé maman, pourquoi je suis pas un garçon ?". Cette voix c'est celle de Mylène Farmer, et c'est une private joke entre la chanteuse et le compositeur Laurent Boutonnat. Ce n'est pas vraiment une excuse ceci dit.

Un an ou deux avant Sans Contrefaçon, New Order sortait Brotherhood, et curieusement le tube de Mylène sonne EXACTEMENT pareil. Je ne crie pas au plagiat, tout le monde sonnait à peu près comme ça à l'époque. Mais New Order avait commencé bien avant les autres, donc je ne fais que rendre à Bernard ce qui lui appartient.



Au final, comment ne pas reconnaître à son auteur (Mylène elle-même) et à son compositeur le talent d'avoir sorti un morceau en 1987 qui n'a jamais été aussi actuel qu'en 2013. Il y a deux ans sortait l'un des meilleurs films français de ces dix dernières années, Tom Boy de Céline Sciamma, ce titre aurait pu en être la bande-son. Pour ce qui est du projet de loi du gouvernement du fameux "mariage pour tous", idem. Pour ce qui est de l'obsession des artistes français pour les boîtes à rythmes et synthétiseurs des années 80, même combat, ce titre l'illustre parfaitement. Sans Contrefaçon contient à la manière des grandes chansons, des traces d'un temps qu'il ne connaissait pas. Il semble condenser une époque qu'il n'avait pas vécu.

La force de la musique se trouve là, dans la manière dont le temps se retourne parfois sur lui-même et s'étire, laissant éclater aux yeux de tous la grandeur rénovée des vieux bijoux usés.

BK



Puisqu´il faut choisir
A mots doux je peux le dire
Sans contrefaçon
Je suis un garçon
Et pour un empire
Je ne veux me dévêtir
Puisque sans contrefaçon
Je suis un garçon

Tout seul dans mon placard
Les yeux cernés de noir
A l´abri des regards
Je défie le hasard
Dans ce monde qui n´a ni queue ni tête
Je n´en fais qu´à ma tête
Un mouchoir au creux du pantalon
Je suis chevalier d´Eon

Puisqu´il faut choisir
A mots doux je peux le dire
Sans contrefaçon
Je suis un garçon
Et pour un empire
Je ne veux me dévêtir
Puisque sans contrefaçon
Je suis un garçon

Tour à tour on me chasse
De vos fréquentations
Je n´admets pas qu´on menace
Mes résolutions
Je me fous bien des qu´en dira-t-on
Je suis caméléon
Prenez garde à mes soldats de plomb
C´est eux qui vous tueront

Puisqu´il faut choisir...