mardi 20 novembre 2012

Jonathan Richman - Silence alors, silence

Le coach de Saint-Etienne, Christophe Galtier, a récemment fait une bourde sur un plateau de télévision: "Les espagnols ne chantent pas pendant leur hymne, et alors, on le leur reproche ?" Il n'a pas eu le temps de finir sa phrase qu'Eric Di Meco, ancien latéral gauche culte de l'OM reconverti en délicieux commentateur, le coupait: "Euh, Christophe, l'hymne espagnol n'a pas de paroles...". J'insiste et repense donc instinctivement à ce tweet de Didier Braun, historien du football, le 1er juillet dernier: "C'est beau un hymne sans paroles".

Ceux qui me connaissent savent que je milite pour que les auteurs de chansons écrivent dans leur langue maternelle. Ceux qui me connaissent bien savent que quand j'ai commencé mon groupe, j'écrivais en anglais. Ceux qui me connaissent encore mieux savent que je fais des études d'anglais depuis cinq ans, et ceux-là me demandent souvent: "Du coup, tu vas recommencer à écrire en anglais ?". J'ai passé suffisamment de temps à commenter les perles minimalistes de William Carlos William et les toiles d'araignées de T.S. Eliot pour savoir que même en 30 ans de pratique, je ne saurais écrire un texte convenable en anglais et qui retranscrirais mes émotions les plus profondes. Enfin cela dit, en bossant comme un dingue, je pourrais parvenir à maîtriser les problèmes basiques que me poseraient la syntaxe et la grammaire d'une langue vicieuse, qui a la réputation d'être simple, qui est très loin de l'être pour autant que je sache - et je suis en M2. Je pourrais acquérir un bon petit bagage de vocabulaire, si ce n'est pas déjà le cas, pour avoir une palette assez large d'émotions et parvenir à retranscrire à peu près mes idées. Avec un dictionnaire, je pourrais compléter mes lacunes et arriver, au final, à un résultat qui ne sonnerait pas si mal. 


Quelle idée de merde néanmoins. Quelle stupidité. Tant d'efforts, tant d'années, tant de sueur, pour parvenir à un texte correct. Je n'ai sûrement pas écrit de grand morceau, mais j'ai eu les couilles de le faire donc j'ai pu prendre un certain recul par rapport à mon travail. Je me suis rendu compte que pour les meilleures choses, dans 99% du temps, l'essentiel était dans les trois ou quatre premiers mots griffonnés sur la page blanche. Le reste, de la chantilly sur un gâteau. Ces mots, ils me sont venus avec un naturel fracassant, celui que j'entends dans mes rêves, qui se répète en boucle dans ma tête quand j'ai de la fièvre. Ils sont venus dans ma langue maternelle. 


Je me suis récemment pris d'amour pour le football et j'ai compris pourquoi. Les langues permettent de s'exprimer, mais il est incroyablement complexe d'exprimer ce qu'on a vraiment, VITALEMENT, M-O-R-T-E-L-L-E-M-E-N-T envie d'exprimer. Quand je vois des mecs jouer bien au foot - c.f. le Barça - j'ai l'impression qu'ils discutent entre eux avec le ballon, qu'ils communiquent. Quand ils se comprennent, c'est magnifique. Le plupart du temps, en club, les joueurs de foot ne parlent pas la même langue. Mais de gestes techniques en appels, contre-appels, jeu avec ou sans ballon, ils parviennent à mettre sur pied cette absurde chorégraphie qu'est le football. Quand je joue au foot et qu'on me fait une passe, j'ai le sentiment qu'on me donne la parole, à moi d'exprimer ce que j'ai sur le coeur. Tout ça, la bouche fermée.


"Silence alors, silence/ Parce que ta parole c'est comme une poire/ Pour l'un délicieux/ Pour l'autre 
nauséabond" déclame l'ancien troubadour des Modern Lovers, apôtre du rock moderne, en français dans le texte. Richman n'a aucun problème à chanter en espagnol, en italien aussi. Il est aujourd'hui débarrassé du tintamarre électrique, libre avec sa petite guitare classique, sans retours sur scène. Mon admiration est infinie pour cet homme. 

Ce qui compte ce n'est pas tellement la langue dans laquelle on chante. Ce qui compte c'est de sortir de soi des sentiments, des événements, des couleurs, des nuances, des adjectifs, des fins du Monde, des satellites, du poivre, du sel. Ce qui compte, c'est que ça ait de la saveur. 


Sinon, parfois, c'est beau le silence.


PS: "Silence alors, Silence" figure sur l'album de J. Richman ¿ Que venimos sino a caer ? sorti en 2009. J'aimerais pouvoir la joindre à mon post mais elle n'est ni sur youtube, ni sur deezer. Du coup, je 
met un lien spotify vers une autre merveilleuse chanson de Richman en français, "Les Etoiles".

Jonathan Richman – Les Etoiles



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