vendredi 9 novembre 2012

Sébastien Tellier - Roche

Parler de Roche par Sébastien Tellier est facile pour moi, car j'ai détesté viscéralement ce morceau dès sa sortie. Pour commencer, je déteste la plage. Je me réfère au fabuleux monologue d'un acteur pour qui j'ai la plus haute estime, Fabrice Luchini: "Lui, il a décidé d'enlever le tee-shirt bon là y a une décision...Mais tu vois tout est mystérieux, pourquoi cet homme a tout d'un coup décidé d'une déglingue totale, il enlève le tee-shirt à ce moment là. T'as vu comme les mecs suivent sans aucune détermination, d'ailleurs plus personne suit là, ils savent plus ce qu'y faut faire." Comme Luchini, j'ai toujours conçu la plage comme le lieu ultime de la débilité humaine - débilité au sens faiblesse. Masses attroupées sur une substance tellement chiante qu'elle parvient, peu importe le niveau de prévention, à rentrer par tous les pores de notre existence. La serviette, les oreilles, le téléphone, la pizza. Face au soleil qui brûle la peau, jouer comme des chiens dans les vagues. Ici, chaque activité est superficielle, raquettes, mots croisés, bronzette, trempette. Rien n'a trop de sens à la plage.



Je voyais Roche comme une plage embouteillée sur laquelle je pataugeais péniblement afin de poser ma rabane et de planter mon parasol. Puis le temps, comme une marée haute passa, libérant de l'espace et je parvins enfin à respirer le brillant air d'une mer débarrassée de sa pollution ambiante. Un air chargé de bonheur, qui évoque Biarritz (je n'y suis jamais allé) mais qui pourrait évoquer n'importe quelle étendue déserte, forêt de pins aux embruns salés, métropole ultra-moderne à 5 heures le matin, paysage immense tout droit sorti d'un tableau de l'Hudson River School.



J'ai enfin compris que Roche ne parlait pas de la plage, ni de fille, ni de Sébastien, ni de bobos, ni de French Touch, ni d'amour et encore moins de sexe.

Roche parle de souvenirs. Un lieu, le sud ouest de la France. Une sensation, le vent chaud. Une couleur, le bleu. Tout ce qui peut rester d'un été ou d'un hiver, d'une défaite ou d'une victoire, d'un décès ou d'une naissance. Tout ce qui peut découler lentement de la vie, s'introduire comme le sable par tous les pores, et ne jamais jamais sortir. Roche est un morceau répétitif, comme un cerveau qui chercherait à se rappeler comment ça faisait, à ce moment là, qu'est-ce que je ressentais, où j'étais. Jusque dans les changements brutaux de modes temporels: "Je vois le ciel bleu t'épouser / Et moi d'UN SEUL COUP t'aimer". Flash, un peu à la façon de Gondry dans Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Les souvenirs sont dépeints comme des labyrinthes tortueux, rêve et réalité s'entrechoquent, laissant apparaître des objets surréalistes, ces "filles qui changent de couleur de peau". Déglingue totale.

Roche cherche désespérément à saisir un morceau du passé perdu à jamais dans les méandres vertigineux du temps, et creuse donc avec insistance par ce rythme frénétique de boucles de claviers d'une autre époque. J'admire aujourd'hui la simplicité des mots qui composent l'architecture de Roche, un grand moment de minimalisme, donc l'écho s'installe déjà tranquillement dans ce temps dont on a tant parlé ici, déjà.




Je rêve de Biarritz en été
Pourtant le soleil brille sur ma peau
Je rêve de biarritz en été

Je vois des filles qui changent de couleur de peau
Je vois le ciel bleu t'épouser
Et moi d'un seul coup t'aimer
Je rêve de toi et moi, mains dans la main

Amoureuse de Sébastien
Le soleil brille et brûle mon nom sur ta peau
Amoureuse du vent chaud
Je sens la chaleur de l'été

S. Tellier

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